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a la plume des mots

Des Mots, des Pensées … qui voilent chaque instant de sens.

Les nouvelles du passé.

Cinquième partie.

Les nouvelles du passé.

Les visites se succèdent, je m’efforce d’être présent, même si mon esprit m’aveugle par son absence, le temps s’égrène dans une paisible tranquillité, le professeur est là, heureusement, il avait compris que c’était le jour où je n’étais pas là, je ne faisais qu’accompagné des silhouettes qui gisaient dans le brouillard, les voix lointaines, étaient suivies d’un geste lent.

La voix du professeur m’indiquait qu’il était temps de quitter la chambre pour une autre chambre, jusqu’au moment où, il m’avait soufflé discrètement avec un sourire complice, que je pouvais prendre congé du groupe.

J’étais déjà en retard, elle ne me tiendra pas rigueur, je l’espère, j’avais appris dans mon enfance, que le renard avait un rituel, pour que son heure a lui ne ressemble à aucune autre heure, j’ouvris la porte, un léger parfum de jasmin m’accueillis, il flottait dans sa chambre, sa douceur rajouter de la beauté à l’endroit, elle, je la découvre comme à chaque fois, elle était là, assise sur le bord de son lit, elle a cette particularité de se tenir droite, ses délicates mains blanches aux doigts fins, étaient posées sur ses genoux, elle dégage cette maturité propre aux enfants que la maladie avait éprouvée, à côté d’elle, était posé un petit calepin recouvert d’une liseuse en cuir rouge, elle était usée par les années et le défilé des livres, sans doute qu’elle avait plusieurs fois l’âge de la petite Myriam, ornée par d’élégantes tiges vertes surmontées de fleurs aux tons mauves, le tout y étaient finement brodé, un crayon au bout mâchouillé, il lui servait tantôt à écrire et probablement de patience, quand tantôt les mots se dérobaient, Monsieur l’Ours était là, il est peut-être le dernier chevalier de la reine, même lui, il n’était plus jeune, il venait surement d’une époque que Myriam n’avait pas connu, même si les années s’étaient installés et la vieillesse s’est faite voisine, il est là fidèle, puis, elle, la petite reine, au milieu de son univers, m’attendait et avec le sourire, elle me lança d’une voix calme.

-Vous voilà, je pensais que vous étiez retenu.

-Oui, je m’en excuse, un petit contre temps de dernière minute, qui m’a d’ailleurs donné une faim de loup, tu me laisseras choisir pour toi ?

-Pourquoi pas, vous avez ma confiance.

Cette petite phrase, avait mis à mal, encore une fois ma conscience, j’essaye de la faire taire en aidant Myriam à s’installer sur la chaise.

-Voilà, le carrosse de mademoiselle est avancé.

-D’après la dame de tout à l’heure « l’infirmière en chef », ils cuisinent bien ici.
-Elle disait vrai, c’est un peu la fierté de l’hôpital.

Dans une mesure qui lui appartient, elle éclata de rire, une fenêtre venait de s’ouvrir et j’étais le seul à voir un peu d’elle, je ressentais cet air frais que son esprit soufflait.


-Ils font autre chose de bien dans cet hôpital ?
-Oui, ils ont aussi de jolis jardins.
J’avais répondu à son humour pour que son sourire dur plus longtemps et tout en avançant vers le restaurant, elle me tenait au courant avec une certaine bonne humeur des nouvelles de sa matinée.

-J’ai reçu la visite d’un groupe de médecin, ils étaient nombreux et très occupés, ils prenaient des notes dans une certaine frénésie, j’étais relégué a un simple objet d’étude, j’avais cette désagréable impression d’être un paquet de données sur un tableau, il y avait avec eux le professeur, heureusement, lui, il est diffèrent, il a l’air si gentil et si avenant, c’est d’ailleurs la première personne que j’ai vue en arrivant dans cet hôpital.

Beaucoup disent de lui qu’il n’est pas comme les autres, pour moi, l’homme que je connais, est honnête, fidèle et sensible, voilà en quoi il est diffèrent, il est à cheval entre cette puissance apparente et cette présumée fragilité, chose que les enfants arrivent à voir dès le premier contact.

-C’est effectivement un très gentil monsieur, les enfants l’aiment beaucoup.

Arrivé au restaurant, je suis un peu gêné par les regards, ils avaient peut-être raison, la situation est nouvelle, la plupart du temps, je déjeune seul et en quelques exceptions en compagnie du professeur.


-Myriam, il fait beau aujourd’hui, le mieux est de prendre une table sur la terrasse, tu veux bien ?

-Oui, j’aimerais être au soleil, ressentir sa chaleur sur ma peau me manque.

En l’installant devant la table, elle reprit.

-Vous aussi, vous êtes avenant, vous devez être très apprécié par votre entourage et un peu plus.

-Un peu plus ?

Elle continua avec un sourire malicieux.

-Il y a des choses qui n’échappent pas, il y avait de l’admiration dans les regards posés sur vous, vous savez, la nature cache la sensibilité des roses derrière leurs épines, comme, elle le fait pour cacher la fragilité des cœurs derrière ce que nous pensons être une repoussante mocheté, elle a tant de leurres.


Puis continua.


-Il y a aussi des choses qui ne s’écrivent pas, ils n’ont tout simplement pas de mots, leur siège est le silence qui m’entoure et dans le silence, j’ai l’impression d’entendre une voix, elle me rapporte les nouvelles des mots qui s’éveillent après un long sommeil et germent à chaque feuille tournée de mon imaginaire, je découvre des iles de lumières, flottant dans un océan de noir, leurs histoires et les murmures indicibles de leurs secrets.

C’est étonnant, j’ai cette étrange impression que ces mots remontent de mon passé, ils me sont si familiers, je ne comprends pas encore, pourtant leurs effets sur moi, sont les mêmes, les années n’ont pas réussi à les polir, ils me rappellent un être, une période de ma vie, j’avais vécu un rêve, un amour qui n’avait ni baiser, ni caresse, il se suffisait pourtant à lui-même, rien ne lui manquait, de cet être, j’avais appris, qu’il arrivait à ce que la rose verse une larme, elle espérait en guettant l’horizon, j’avais appris aussi le rythme vrai des choses, j’avais découvert le parfum de la terre accueillant les premières gouttes de pluies, loin de cette existence abstraite, asséchée vide de substance humaine, amaigri sans épaisseur ni densité, loin du standard et de la norme fabriqué sur une chaîne, sans goût, ni couleur.

J’entends a présent le craquèlement des années, il annonce les mots qui émergent, ils arrivent, bientôt, ils vont ressurgir, suis-je en train d’ouvrir ma propre boite de pandore, celle, ou j’avais enfui a jamais ces mots, je prends conscience, que ceux que j’avais aimés étaient toujours en moi.

Les mots qui me faisaient si plaisir, aujourd’hui me font si mal, avant ils caressaient le cœur, par la douceur d’une voix et la chaleur d’un regard, ils sont à présent là, ils errent tel des esprits perdus, sans maître, ils tournoient là où ils sont nés, j’avais appris par la rivière, que l’eau revenait à son berceau.

J’étais perdu dans le long défilé de mes pensées, « ça commence ainsi, nous croisons des millions de regards, nous entendons des millions de voix, mais un seul regard se distingue, une seule voix s’entend, puis ça devient tout », nous regardons loin dans le ciel, mais au fait, nous ne faisons que regarder notre passé, cette petite fille, serait-elle ce souvenir qui nous visite, m’apporte-t-elle les nouvelles des cieux qui nous séparent, comme les étoiles qui effleurent la terre, a chacune son histoire, à ce moment, Myriam m’avait interpellé en me questionnant :

-Vous pensez à quoi ?

-A une personne que j’avais connue, a ses paroles.

-Elle vous disait quoi ?

- Des mots qui éblouissent par leur beauté, mais que je ne saisissais pas vraiment leurs sens, non pas qu’ils étaient profonds, ils lui appartenaient, tu sais, nous ne pouvons malheureusement pas, nous substituer aux âmes des personnes ni à leur cœur, elle regardait les choses de ce monde de manières différentes, elle disait que nous apprivoisons nos propres sens, nous réapprenons à voir, à sentir et à toucher.

-Qui était cette personne ?

-Une étudiante, pour payer ses études et aussi vivre, elle venait faire le ménage chez ma mère, sa famille était loin et sans doute n’avaient pas beaucoup les moyens pour la soutenir financièrement, elle faisait des études de droit, très lettrée, c’était elle qui m’avait appris à aimer la lecture et les livres.

Dans ses yeux qui brillaient j’avais réussi à lire mot pour mot la question qu’elle allait me poser, elle avait fait semblant de prendre un temps de réflexion tout en dégageant une petite mèche rebelle de son front, moi, je l’attendais avec le sourire.

-Vous étiez alors devenu amis ?

-Après l’incompréhension et les préjuger, on avait fini par nous rapprocher, j’avais à ce moment seize ans et elle vingt et un an, ma mère rentrait tard le soir, cela nous permettait d’avoir du temps à nous.

-Du temps pour faire quoi ?

Je souriais, devant sa curiosité, mais je répondais avec plaisir.

-Du temps pour faire les choses de notre âge, voir des films, écouter de la musique, mais, souvent, on discutait de livres, de leurs auteurs, on échangeait nos points de vue sur ce que nous avons aimés et pas aimer, j’appréciais sa compagnie, tu sais, il m’arrivait même de l’aider à faire ses taches pour avoir plus de temps a passé avec elle.

-Elle avait l’air belle votre histoire.

-Oui, très belle, mais souvent, je me surprends à penser, qu’Adan avait pleuré son Eve et ce fut l’éternel récit des Hommes, devrions nous caché la beauté de nos histoires, pour tromper le destin.

A ce moment, je m’étais rendu compte que je parlais a moi-même, mais ce que je venais de dire avait sans doute mis un point à notre conversation sur ce sujet, Myriam me regardais, elle avait compris qu’il y avait quelque chose d’indélébile qu’aucune eau ne pouvait laver.

Tout a changé en nous, la couleur de nos cheveux, les feuilles de nos jardins tombent et la magie de notre passé s’est estompé, le sang qui coulait dans nos veines, fuit d’entre nos mains, j’ai oublié les traits de mon visage et j’essaye de retenir le temps, le cœur bat dans une grotte faite de silence ou il n y a que le noir de la nuit, je me suis assis à attendre le retour du printemps, j’ai regardé autour de moi le triste silence, espérant de lui une réponse, pense tu que l’oiseau reviendra ? Non me répond-t-il, nous avons passé l’âge de nos sourires et maintenant nous vivons l’âge de nos larmes.

 

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